mardi 25 janvier 2011

Tcheou Ta-Kouan sur Khmerologie

Je propose aux amateurs d’érudition s’intéressant à : l’Asie du Sud-Est, l’histoire du Cambodge, la diplomatie sino-cambodgienne, etc., d’aller lire le petit compte-rendu consacré aux Mémoires sur les Coutumes du Cambodge (《真腊风土记》) rédigées à la fin du XIIIème siècle par Tcheou Ta-Kouan (周达观) et traduites par Paul Pelliot. C’est ici.

samedi 15 janvier 2011

Coup de gueule : Shanghai Airlines

Les lectrices et lecteurs de Pascal en Asie qui suivent un peu mes pérégrinations savent que depuis un an maintenant, je me suis en partie délocalisé au Cambodge. « En partie » signifie que je me rends tout de même assez souvent en Chine, pour m’occuper de ma petite entreprise (je profite d’ailleurs de l’occasion pour faire un peu de pub, et vous inviter à aller visiter le site de Parallels Translation Office, ici, si vous avez jamais besoin de services de traduction de qualité).
Je suis donc régulièrement contraint et forcé d’emprunter les vols FM833 et FM834, qui vont et viennent de Phnom Penh à Shanghai et inversement. Les vols FM sont les vols de l’une des nombreuses compagnies aériennes chinoises : Shanghai Airlines.
Jusqu’à l’année dernière, Shanghai Airlines assurait quatre vols par semaine entre la mégalopole chinoise et la capitale cambodgienne. Mais, en signe de renforcement des liens entre les deux pays, les autorités ont imposé à la compagnie d’augmenter la fréquence de ses vols sur cette ligne, pour la porter à un vol quotidien. Excellente nouvelle, donc !
Oui, sauf que…
Me présentant le 21 décembre dernier à l’aéroport international de Shanghai Pudong, j’apprends que, faute d’un nombre suffisant de passagers, mon vol est annulé ! Nombre insuffisant de passagers ? En y pensant bien, il est vrai que les FM833 et 834 sont rarement bondés, l’augmentation de la fréquence des vols ne s’imposait donc pas vraiment. Ce ne serait d’ailleurs pas mon problème si je ne devais pas, à chaque fois que je prends un vol sur cette ligne, m’interroger pour savoir si ce vol décollera ou pas.
Je ne suis pas content, bien sûr : n’habitant pas Shanghai, il va me falloir passer la nuit à l’hôtel et prendre le vol du lendemain. Je suis d’autant moins content que l’annulation de ce vol a été décidée trois jours plus tôt, le vendredi précédent, et que la compagnie aérienne non seulement n’a pas été fichue de me prévenir au téléphone, mais n’a même pas eu la présence d’esprit de me signaler que le vol était annulé lorsque j’ai confirmé mon billet, ce même vendredi !
Le malheureux « responsable » de service est visiblement gêné, mais m’annonce que la compagnie prendra tous les frais en charge. Je me calme un peu… Le transport vers l’hôtel est assuré par la navette infâme de l’hôtel, et la Shanghai Airlines ne délègue personne pour accompagner les voyageurs jusqu’à l’hôtel (« Ils sont au courant ! », me rassure-t-on lorsque je proteste). Connaissant la Chine, je sens la mauvaise surprise.
En effet, en arrivant à l’hôtel, je comprends pourquoi Shanghai Airlines n’a voulu envoyer personne nous accompagner : la réception de l’hôtel nous annonce que les chambres sont à partager à deux, et que, pour le repas, nous ne disposons que d’un budget de 25 yuans (2,5 euros !), tout dépassement de budget étant à notre charge !
Le restaurant est assez mauvais, et 25 yuans, c’est le prix d’un plat de riz sauté. Même si vous êtes un acète accompli et que vous décidez de vous contenter de ce plat, les boissons et la serviette (de nombreux restaurants chinois imposent à leurs clients l’achat d’une serviette humide, sinon, vous n’avez qu’à vous essuyer la bouche avec les mains !) sont bien sûr à payer de votre poche.
L'hôtel (un hôtel de la chaîne Jinjiang) est passable : les chambres sont propres, mais spartiates. Et le service est « à la chinoise », donc inexistant !
On m’alloue une chambre avec vue sur l’aéroport : je profite donc du doux murmure des avions qui décollent et atterrissent à intervalles réguliers pendant toute la nuit ! Autant dire que je ne ferme pas l’œil de la nuit !
Furieux, je téléphone le lendemain matin au service client de Shanghai Airlines. Le préposé, visiblement blasé et indifférent, prend mon nom et mon numéro de téléphone, en me promettant une réponse dans les 15 jours. Autant dire que j’attends toujours cette réponse n’est pas venue !
Je consulte notre avocat, qui me dit que c’est la règle : en somme, les compagnies chinoises font ce qu’elles veulent. La règlementation chinoise ne leur impose pas d’accorder à leurs infortunés voyageurs la moindre indemnisation, ni même compensation ! Et comme Shanghai Airlines est la seule compagnie à relier directement Shanghai à Phnom-Penh, je devrai continuer à lui acheter mes billets pour me rendre en Chine !
À mon retour à Phnom Penh, je discute avec des amis chinois vivant au Cambodge. Eux ont la chance d’habiter à Shenzhen, près de Hong-Kong. Cela fait belle lurette qu’ils ont renoncé à prendre le vol chinois de Phnom Penh à Canton ! Quand ils le peuvent, ils évitent d’ailleurs comme la peste les compagnies chinoises. Ils préfèrent prendre le vol de la Cathay Pacific de Phnom Penh à Hong-Kong, puis prendre le train de Hong-Kong à Shenzhen.

Cuisine japonaise : Kaiseki

À celles et ceux qui s’intéressent à la haute cuisine japonaise, je conseille la lecture du petit billet de présentation du « kaiseki » que je viens de publier sur Sinogastronomie. Cliquez ici.

samedi 25 décembre 2010

Métro de Taipei

Il y a quelques années encore, lorsque l’on se déplaçait à Taipei, on avait le choix entre le taxi et l’autobus, le plus simple étant bien sûr d’avoir recours à l’un de ces innombrables taxis jaunes, au coût relativement peu élevé (70 NTD, soit environ 1,8 euros au départ). Le bus est certes encore moins onéreux, mais il est parfois un peu difficile de s'orienter dans le méandre des lignes et des correspondances.
La décision de construire un métro à Taipei a été prise en mars 1986. Les travaux ont commencé en décembre 1988 et la première ligne (construite par Matra) a été inaugurée le 28 mars 1996. Aujourd’hui, le métro de Taipei (appelé à Taiwan 捷運 jiéyùn : littéralement « transport rapide », ou, en anglais, MRT, sigle de « Mass Rapid Transit ») compte neuf lignes, et permet de parcourir à prix réduit : le prix du « billet » est calculé à la distance parcourue, le billet de base, permettant de parcourir toute distance inférieure à 5 km, coûte 20 NTD (0,52 euros environ), le billet le plus cher, permettant de parcourir 31 kilomètres et plus, coûte à peine 65 NTD (1,68 euros environ). Il existe bien entendu des billets à la journée, et une carte magnétique multi-usages, appelée « youyouka » (悠游卡 yōuyóukǎ), utilisable dans le métro, mais aussi dans les autobus, et pour certains achats. La carte se recharge à volonté quand le crédit est sur le point de s’épuiser. Le support physique est consigné : on vous rembourse le prix de la carte physique lorsque vous la restituez.
Je mets le mot « billet » entre guillemets, car en fait de billet, il s’agit de jetons en plastique magnétisés, que l’on place devant la fenêtre idoine du portillon lorsque l’on entre, et que l’on insère dans une fente à la sortie, de sorte que les jetons sont recyclés.
Le métro de Taipei est superbe. Il est d’une propreté dont s’accommoderaient certainement très bien les usagers des métros parisien ou londonien. De plus, dès les débuts de ce métro, un règlement de discipline intérieur draconien a été mis en place, interdisant bien entendu de fumer dans l’enceinte du métro, mais aussi de consommer des boissons et de la nourriture dans les rames. Les usagers ont aussi été habitués dès les débuts à prendre de bonnes habitudes : sur les escaliers mécaniques, si vous souhaitez vous laisser porter par la machine, placez-vous à droite, et laissez la moitié gauche des escaliers libres pour permettre aux gens pressés d’escalader les marches de fer. Pas question non plus de s’agglutiner en troupeau désordonné devant les portes des rames: les files où il faut faire la queue et patienter pour laisser les autres usagers quitter les rames sont clairement marquées au sol, et personne n’oserait ne pas faire la queue en attendant patiemment son tour d’entrer, après avoir laissé descendre les voyageurs arrivés à destination. Et si vous ne respectez pas les règles de disciplines, il est à parier que vous serez très rapidement rappelé à l’ordre par les autres usagers, scandalisés !
Pour les déplacements en soirée, les femmes seules ayant peur d’une (assez improbable) mauvaise rencontre, ont pris l’habitude de monter dans des rames signalées à cet effet.
Taiwan ayant décidé depuis quelques années de faire un effort certain pour ce qui est du recyclage et de la protection de l’environnement, les poubelles du métro de Taipei sont réparties en poubelles servant à jeter les déchets recyclables et poubelles réservées aux déchets non recyclables. J’ai même remarqué lors de mon dernier passage des corbeilles réservées aux journaux et autres papiers usagers. Si vous êtes insouciant et ne respectez pas la consigne, il risque de vous en coûter une amende de 7500 NTD (près de 200 euros !).

La discipline de fer qui règne dans l’enceinte du métro de Taipei (dont certaines stations permettent même d’emporter son vélo avec soi) constitue un amusant contraste avec l’indiscipline générale qui règne dans les rues de la capitale taïwanaise. Et cette discipline est tellement entrée dans les mœurs que, lorsqu’un député a osé émettre l’idée que l’obligation de se placer à droite sur les escalateurs était bien futile, cela a soulevé un tollé général, et sorte que ledit député s’est bien gardé de persister dans ses déclarations sacrilèges !
Le métro de Taipei s’agrandit progressivement. Il compte aujourd’hui quelque neuf lignes, qui vous permettront de vous rendre dans de nombreux endroits de la capitale taïwanaise. Si vous voulez par exemple aller faire des emplettes ou aller vous faire une toile dans le quartier Xinyi (ou Hsinyi, 信義區 xìnyìqū), le quartier le plus en vogue de la ville, ou aller visiter la fameuse tour 101, ou encore visiter une exposition au Taipei World Trade Center, vous pourrez descendre à la station « Hôtel de Ville » (Taipei City Hall). Et n’ayez pas trop peur de vous perdre : les stations sont annoncées dans les rames à l’avance en chinois, taïwanais, hakka et anglais !
Si vous voulez en savoir un peu plus, je vous invite à consulter l’article consacré au métro de Taipei sur Wikipedia (ici, en chinois ; il y a également une version, non à jour, en français).

mercredi 22 décembre 2010

Chinoiseries administratives – 20 minutes tout compris

D’habitude, je suis assez critique sur l’administration chinoise et ses méandres, mais là, je dois avouer que j’ai été très agréablement surpris !
Je vous explique : malgré mon déménagement à Phnom Penh, j’ai gardé ma petite entreprise de traduction en Chine, et je souhaite pouvoir à Suzhou de temps à autre pour veiller un peu au grain. Dès lors, pour éviter les aléas de demandes de visa à répétition, je souhaitais continuer à bénéficier du permis de séjour annuel auquel ma qualité de représentant légal de l’entreprise en question me donne droit.
En raison des difficultés surnuméraires imposées aux ressortissants français (probablement pour des raisons de basse politique) qui demandent depuis mai de cette année des visas pour la Chine, en raison également du fait que je ne me rends plus en Chine que de façon très épisodique et que je n’y réside donc plus, j’avais peur que l’on opposât des difficultés à ma demande de « sésame passe-frontières annuel ».
Prudent, j’avais demandé à ma très charmante petite assistante (Lina), de prendre des renseignements avant mon départ pour la Chine. Elle s’exécuta, et m’annonça la courte liste des documents à produire : passeport en cours de validité, deux photos, copie de la licence d’exploitation de la société, demande rédigée sur papier libre au nom de la société et certificat d’enregistrement de résidence temporaire au commissariat de mon domicile chinois. La demande devait en outre être présentée une semaine avant la date d’expiration du permis en cours.
Après ma petite excursion à Taïwan, je me présentai donc pile-poile une semaine avant l’échéance du permis qui orne mon passeport depuis près d’un an, le matin du 13 décembre.
Et c’est là que j’ai été impressionné : il m’a fallu exactement vingt minutes pour : récupérer le numéro de queue à la machine automatique, remplir la demande, présenter mes documents, payer les frais (900 yuan), remplir le formulaire pour faire traiter ma demande en urgence, payer les frais correspondants (300 yuan), et reprendre mon taxi.
J’ai récupéré mon passeport orné du nouveau permis de séjour le lendemain après-midi.
Par contraste, je me souviens en grinçant des dents de l’époque, lointaine il est vrai, où j’accompagnais des amis chinois pour les aider à accomplir les formalités équivalentes en France. Je me souviens de nombreuses d’heures de queue, de jeunes préposées hystériques qui hurlaient parce les demandeurs ne comprenaient pas ce qu’elles voulaient, des complications sans fin imposées… J’espère que la situation à changé, parce que le traitement réservé aux demandeurs, toutes catégories confondues, était proprement scandaleux.
En tout cas, pour être honnête, je dois avouer que, malgré tout ce que j’ai envie de reprocher au PCC et à ses sbires, là, j’ai vraiment été impressionné par leur efficacité !

mercredi 8 décembre 2010

Aéroport International de Taipei

L’Aéroport International de Taipei, ou, plus les intimes, l’Aéroport Songshan (à ne pas confondre avec l’Aéroport International Tchiang Kai Shek, situé dans la très grande banlieue de Taipei, à Chungli, sur le territoire du district de Taoyuan), présente l’énorme avantage d’être situé dans la ville de Taipei. L’atterrissage est d’ailleurs assez impressionnant, puisqu’on a l’impression que l’on va atterrir sur le toit des immeubles !
Que l’on arrive à Taiwan ou qu’on quitte l’île, le fait d’avoir un vol à l’aéroport de Songshan permet d’économiser un temps appréciable (il faut en effet plus d’une heure pour aller de Taipei à l’aéroport Tchiang Kai-Shek). On peut même y accéder par le métro, dont l’entrée se trouve juste devant l’entrée de l’aéroport.
J’ai pour ma part emprunté un vol de et vers Shanghai. Il y a également des vols pour le Japon. Je ne connais pas les autres vols proposés à partir de ou vers Songshan.
L’aéroport est de taille réduite, ce qui permet aussi d’éviter, comme à l’aéroport Charles de Gaulle, à Paris, ou à l’aéroport de Pudong, à Shanghai, d’avoir à parcourir des kilomètres pour atteindre les guichets de l’immigration ou sa porte d’embarquement.
Autre avantage : un accès Internet sans fil gratuit est offert aux voyageurs. Il suffit de sélectionner le serveur SongShan Airport2F-1, on n’a même pas besoin de saisir un mot de passe. Pratique, puisque c’est grâce cet accès que je publie ce billet, in extremis, juste avant de passer de l’autre côté du GFW.
Fumeurs, attention : il n’y a pas de salon fumeur dans la salle d’embarquement. Faites donc le plein de nicotine avant de passer le contrôle de sécurité et l’immigration !

samedi 4 décembre 2010

Shanghai – Taipei, vol direct

Il y a quelques années, je partageais mon temps entre Suzhou et Taipei : un mois ici, un autre là. A l’époque, les vols directs n’existaient pas, et il fallait se lever aux aurores pour aller, selon que l’on voyageait vers l’Est ou inversement, prendre l’avion à l’aéroport de Hongqiao, à Shanghai, ou à l’aéroport Chiang Kai-Shek à Taoyuan, pour aller d’abord à Hong-Kong ou à Macao, faire une escale forcée, changer d’avion, et poursuivre son voyage jusqu’à sa destination finale. On y perdait une journée, et on dépensait à l’occasion des sommes astronomiques...
Il y a quelques années, les autorités des deux rives du détroit de Taiwan ont enfin fini par mettre une partie de leurs différences de côté et par soigner leur paranoïa, pour permettre aux avions civils de voler directement au-dessus dudit détroit, dans un sens et dans l’autre. On peut ainsi désormais prendre directement un avion à Beijing ou à Shanghai, et atterrir sans encombre à Taipei ou à Kaohsiung...
N’ayant plus eu l’occasion d’aller à Taiwan depuis cinq ans, je n’avais jamais pris l’un de ces vols. Mais, un ami taïwanais ayant finalement réussi à trouver son âme sœur, et devant par ailleurs m’occuper un peu de ma petite entreprise à Suzhou, j’ai quitté mon confortable cocon phnompenhois pour retourner en Chine, et, de là, me rendre à Taipei, pour une petite semaine de simili-vacances.
J’ai eu la chance de trouver une place sur l’un de ces vols qui partent, à Shanghai, de l’aéroport de Hongqiao, et non de celui de Pudong, situé dans les fins-fonds de la banlieue shanghaienne, pour arriver non pas à l’aéroport Chiang Kai-Shek, situé sur le territoire du district de Taoyuan, à une bonne heure de trajet en bus de la ville de Taipei, mais à celui de Songshan, qui est le plus vieux des deux aéroports de la capitale taïwanaise, mais qui présente le considérable avantage de se trouver en pleine ville.
Et voilà, après à peine deux heures de vol, après avoir eu à peine le temps de boucler ma ceinture de sécurité et d’avaler un déjeuner qui ne mérite pas d’être détaillé, j’ai quitté le pays de Mao pour arriver à Formose !

jeudi 2 décembre 2010

Suhou : Nouilles du fourneau noir

Au risque de me répéter, ma conscience de gourmand insatiable ne me laisserait pas en paix si je ne parlais pas, une fois encore, d’un mets dont la dégustation est toujours placée en tête de mon planning lorsque je viens à Suzhou : les « nouilles du fourneau noir » (en chinois : 奥灶面 àozàomiàn), et en particulier celles du restaurant Weiji (伟记奥面馆 wěijì àomiànguǎn), qui se trouve à l’angle de la Baitadonglu et de la Yuanlinlu, à trois minutes à pied au sud du fameux jardin de la Forêt des Lions (狮子林 shīzilín).
Il s’agit d’un plat traditionnel de pâtes de farine de blé, longues comme « nos » spaghetti, plongées dans un bouillon. C’est le bouillon qui joue dans cette composition le rôle principal : préparé avec une foule d’ingrédients, lentement mijoté pendant de nombreuses heures, c’est le secret le mieux gardé par tous les restaurants de pâtes de Suzhou. Chaque restaurant a bien entendu sa recette particulière, et c’est ce bouillon qui conditionne la plus ou moins bonne réputation de l’établissement.
Ces pâtes sont servies au poids, la portion standard étant de trois « onces » (150 grammes), celle du travailleur de force de quatre, et celles de la frêle jeune fille ou du gourmand non affamé, de deux.
Lorsque l’on passe la commande au comptoir (qui vous délivre un « bon » que vous devrez ensuite porter au guichet de la cuisine où la préposée au service donnera les instructions idoines à la cuiseuse de nouilles), on précise le ou les accompagnements désirés : poitrine de porc cuite à l’étouffée, bœuf aux cinq parfums, champignons parfumés, filaments d’anguille frite, petits choux chinois, canard cuit à l’eau, œuf sur le plat... Les plus aventureux pourront essayer les abats divers et variés de canard (cœur, gésier, foie), les tripes de porc, voire la tête de canard.
Pour ma part, le tiercé gagnant se compose de : porc cuit à l’étouffée, petites crevettes décortiquées, et porc maigre émincé et sauté aux pointes de pousses de bambou. Mais vous pouvez vous contenter d’un seul accompagnement, trois étant apparemment le maximum que permet la bienséance.
Ma dégustation du 30 novembre 2009 m’a coûté la modique somme de 17 yuan...
Sachez pour l’anecdote que, en plus de bouillon traditionnel (appelé « soupe rouge » : 红汤 hóngtāng), existe un bouillon clair (« soupe blanche » : 白汤 báitāng). Mais un véritable amateur de nouilles à la suzhoulaise ne s’abaissera cependant jamais à faire résider ses nouilles dans une soupe blanche.
Les amateurs de gingembre pourront aussi commander une coupelle de filaments de gingembre, qui pourront être absorbés en même temps que les ingrédients.

Chine – Attention : vous êtes fiché !

Je rentre juste du commissariat local où je m’étais rendu d’un pas alerte et assuré pour accomplir une formalité à laquelle tous les étrangers venant en Chine doivent de soumettre : l’enregistrement auprès des services de police !
Ne poussez pas de hauts cris : pour ma part, il ne me semble pas déplacé qu’un gouvernement souhaite garder un œil sur les étrangers qui résident sur son territoire. Il me semble d’ailleurs que les étrangers qui résident en France doivent également se soumettre à cette formalité, et faire connaître des services de police leur nouvelle adresse quand ils déménagent.
Ne soyez pas pris de sueurs froides a posteriori si vous êtes venu en Chine et que vous ne vous êtes pas rendu en personne au commissariat le plus proche pour déclarer votre présence : si vous avez logé à l’hôtel, c’est l’hôtel qui s’est normalement occupé des formalités ; si vous avez résidé chez des proches et que vous n’avez pas écopé d’une amende, c’est que vous avez eu de la chance et que vous étiez sur place pendant une période de « relâche » : comme souvent en Chine, les lois sont appliquées au coup par coup, selon les périodes et selon la pression exercée par leur hiérarchie sur les policiers qui font plus ou moins leur travail.
En dix ans de résidence en Chine, il m’est souvent arrivé « d’oublier » cette formalité, sans avoir jamais été sanctionné. Mais depuis que j’ai vu, il y a deux ans, un jeune stagiaire français faisant son stage dans une entreprise écoper d’une amende, je n’oublie plus !
Sachez donc que tout étranger pénétrant sur le territoire chinois doit déclarer, dans les 24 heures de son arrivée, sa présence. En cas d’absence de déclaration (on parle en chinois de 境外人员临时住宿登记 jìngwài rényuán zhùsù dēngjì : enregistrement de résidence temporaire des étrangers), vous vous exposez une amende dont le montant, à Suzhou, est de 50 RMB (5 euros) en cas de paiement immédiat, ou de 200 RMB (20 euros) si vous l’amende vous est signifiée et s’il vous est demandé d’aller la régler à la banque (je ne sais pas si le montant de l’amende est le même partout). Rien de bien dramatique donc. Cependant, il vous faudra aussi rédiger un document dans lequel vous devrez reconnaître votre méfait, en adoptant le ton humble de rigueur, et en vous engageant à ne plus recommencer.
Attention : vous devez renouveler la formalité à chaque fois que vous rentrez sur le territoire chinois, même si vous ne l’avez quitté que quelques jours.
Sachez aussi que pour bien des formalités (prolongation de visa, demande de permis de travail et de résidence, etc.), le récépissé de votre enregistrement vous sera demandé.
La gentille préposée qui a rempli aujourd’hui mon formulaire sur son ordinateur m’a expliqué que la fin de l’année était en général une période propice au renforcement des contrôles. Les policiers chinois sont peut-être soumis eux aussi aux chiffres, et peut-être ont-ils un quota annuel à respecter ?
Si vous êtes pointilleux et que le sujet de la légalité de cette formalité vous titille, je vous invite à aller voir ici (en chinois et en anglais), les articles de loi ayant trait à ce sujet. Notez que l’amende prévue est de 50 à 500 RMB !

Chine – le retour

29 novembre 2010 - Me voici donc de retour en Chine pour quelques jours, après une absence de plus de trois mois, en escale avant de partir une semaine à Taiwan, puis de revenir en Chine pour renouveler mon permis de séjour (même si je ne séjourne plus en Chine, j’y ai encore ma petite entreprise, et il faut que je revienne de temps en temps veiller au grain...), avant de rentrer à PP vers le 20 décembre, juste à temps pour Noël.
Premières impressions ? L’aéroport de Pudong, à Shanghai, n’a pas changé : moderne, propre, immense. Mauvaise surprise : débarquement en bus, et non par une rampe qui nous permettrait d’arriver directement dans le terminal ! Bonne surprise : le bus nous dépose devant une entrée qui donne presque directement sur le hall de l’immigration. Pour une fois, donc, nous n’avons pas à parcourir les couloirs interminables pour traverser tout l’aéroport avant d’arriver essoufflés à la queue interminable qui ne manque jamais de se former devant les guichets des préposés à l’immigration.
Je comprends que ceux qui n’ont jamais mis les pieds en Chine et qui ne connaissent ce pays qu’à travers les miroirs déformants de la presse franchouillarde, ou qui pensent que la Chine vient juste de sortir de la révo-cu (entendez « la grande révolution culturelle prolétarienne », 1966-1976), soient impressionnés, voire pris de vertige en arrivant à Shanghai. Vu de l’extérieur, Pudong n’a en effet rien à envier à Charles de Gaulle, et les lieux sont même autrement plus impressionnants et majestueux que le « vieil » aéroport parisien.
Le vol FM824 de la Shanghai Airlines, qui relie Phnom Penh à Shanghai, était à l’heure (le fait est rarissime, il mérite donc d’être signalé !), et nous sommes donc apparemment le premier vol de la journée à arriver à Pudong, il n’y a donc presque pas de queue l’immigration. La préposée, pas très souriante (mais quand même plus aimable que les « portes de prison » qui accueillent le touriste étranger venu découvrir la France), vise mon passeport en deux minutes, et me voilà dans le hall des bagages. Ma valise arrive de suite, et le chauffeur que j’ai demandé qu’on m’envoie m’attend. Je somnole pendant le voyage en voiture jusqu’à Suzhou, en échangeant de temps en temps quelques mots avec Monsieur Zhang, mon chauffeur du jour...
En arrivant près de chez moi, je me rends compte que de nouveaux immeubles d’habitation sont en construction. Il n’y a pas vraiment besoin de logements (les appartements vides à Suzhou, comme dans toutes les villes chinoises, sont très, très nombreux), mais les promoteurs construisent tout de même, car ils savent qu’ils vendront à prix d’or les appartements que de petits « malins », voulant faire un bon coup immobilier, s’arracheront. Le chauffeur me dit que dans le quartier, le mètre carré se vend aux alentours de 10 000 RMB (1131,4 euros au cours de ce matin), alors que nous lorsque nous avons acheté notre petit duplex il y a quatre ans, nous avions à peine payé 3 500 RMB (395,92 euros, toujours au cours de ce matin) le même mètre carré. Il paraît que le « métro » (apparemment un VAL) va traverser le quartier, et que c’est pour cela que le prix des apparts continue de grimper. La bulle immobilière n’est donc pas prête de se dégonfler...
Je rentre chez nous. L’appartement est nickel ! Mais bon, je sais qu’Emilie a demandé à ses frères, qui logent dans l’appartement, de faire le ménage avant mon arrivée.
Internet fonctionne. Mieux qu’à Phnom Penh !
Mais comme on pouvait s’y attendre, Blogspot et Facebook sont inaccessibles. Mauvaise surprise : je n’arrive même pas à accéder à mes blogs sur Wordpress. Bienvenue au pays de la liberté d’information !
La suite... plus tard.
(Je profiterai de mon passage à Taiwan pour publier les billets que j’aurai écrits ici, vous excuserez, j’espère, le décalage...)

vendredi 15 octobre 2010

FCC, Phnom Penh

Si vous voulez savoir pourquoi je ne recommande pas le restaurant du FCC de Phnom Penh, je vous invite à aller voir sur Khmerologie, ici.

Khemara Battambang I

Si vous voulez savoir pourquoi c'est désormais sans restriction aucune que je recommande l'hôtel Khemara Battambang I (et non II, comme j'avais noté par erreur l'an dernier), je vous invite à aller lire le billet éponyme sur Khmerologie, ici.

Phare Ponleu Selpak

Je conseille vivement aux amateurs de spectacles de cirques voyageant au Cambodge, à Battambang, d'aller voir le spectale de Phare Ponleu Selpak.
Pour en savoir un peu plus, voir le billet consacré à ce spectacle sur Khmerologie, ici.

Introduction à la cuisine cantonaise

Pour les amateurs de gastronomie cantonaise, je signale un billet d'introduction à cette cuisine, l'une des plus célèbres de Chine, que je viens de publier sur Sinogastronomie.
C'est ici.

samedi 9 octobre 2010

Restos : Yi Sang, Phnom Penh

Pour les gastronomes nostalgiques ou amateurs de cuisine chinoise, et plus particulièrement de cuisine cantonaise, je conseille vivement le restaurant Yi Sang (en khmer យ៉ីសាង), à Phnom Penh.
Pour en savoir plus, je vous invite à aller consulter le billet que je consacre sur Sinogastronomie à ce lieu extrêmement dangereux pour votre ligne et pour votre bourse, ici.

samedi 2 octobre 2010

Bananes cambodgiennes

Sur Sinogastronomie et sur Khmerologie, deux autres articles apparentés consacrés à quelques variétés de bananes couramment utilisées au Cambodge. Les gourmands pourront aller ici, les linguistes, .

vendredi 1 octobre 2010

Gâteaux de riz cambodgien

Aujourd’hui sur Sinogastronomie et sur Khmerologie, deux articles apparentés sur les « ânsâm », gâteaux de riz glutineux cambodgiens traditionnels de la fête des morts.
Comme d’habitude, l’aspect gastronomique de ces gâteaux est à découvrir sur Sinogastronomie ; l’aspect linguistique, sur Khmerologie.

dimanche 26 septembre 2010

Fromages cambodgiens

Si le sujet des fromages cambodgiens vous intéresse et que vous n’avez peur ni des titres racoleurs, ni de la publicité mensongère, je vous invite à lire le billet éponyme paru aujourd’hui sur Khmerologie.

samedi 25 septembre 2010

Le Cambodge déménage…

Me voici donc, avec ma petite famille, au Cambodge depuis plus de huit mois maintenant, et pas prêt d’en partir.
Souhaitant faire partager plus spécifiquement mes progrès en khmer et mes aventures dans ce pays, j’ai créé un nouveau blog, pompeusement appelé « Khmerologie », sur Wordpress. Ne vous laissez pas tromper par le titre pompeux, je ne me prends toujours pas au sérieux.
Tous les billets consacrés au Cambodge, dans tous les domaines (gastronomie, langue cambodgienne, vie quotidienne, bonnes adresses, liens utiles, bibliographie…) sont désormais disponibles sur Khmerologie. Je ne placerai plus sur « Pascal-en-Asie » que les billets consacrés à autre chose que le Cambodge, la langue chinoise (pour ce sujet, je vous renvoie à Sinoiseries, déménagé sur Wordpress) et la gastronomie asiatique (les gourmands pourront consulter Sinogastronomie, aussi déménagé sur Wordpress). Comme nous prévoyons d’aller nous promener sous peu ailleurs en Asie, Pascal-en-Asie continuera d’être alimenté.
Pas bégueule pour deux sous, je prévois quand même de mettre ici des liens vers les billets publiés sur mes autres blogs.
Au plaisir donc de vous rencontrer à nouveau, ici ou ailleurs…

dimanche 15 août 2010

Chinoiseries administratives : Volet 3

Pour les fans des aventures de Léo, alias 孟磊, voici la suite...
(Les deux premiers épisodes de la saga sont disponibles respectivement ici, et ici.)
Pour résumer, et pour les raisons évoquées précédemment sur ce blog, notre petit dernier Léo avait quitté la Chine muni d’un laissez-passer à aller simple et usage unique, et s’était honteusement vu refuser un visa chinois par les services consulaires de l’Ambassade de la République Populaire de Chine auprès du Royaume du Cambodge. La solution, nous avait-on dit, était d’aller tenter de solliciter un visa auprès de la représentation diplomatique de ladite République Populaire de Chine en France.
Nous voici donc à la mi-juin 2010 au service des visas de l’Ambassade de France à Phnom-Penh, pour solliciter un visa pour Emilie, fière citoyenne de la Grande Chine et munie d’un passeport de ce pays, et non pour Léo, puisque ce dernier est armé depuis sa plus tendre enfance d’un passeport de la glorieuse République Française. Malgré une attente assez longue et désagréable à la porte du service des visas, dans la rue, sous le soleil et dans la chaleur moîte du mois de juin au Cambodge, c’est sans difficulté qu’Emilie obtient son visa de trois ans à entrées multiples, apparemment dû à tout conjoint de ressortissant de l’espace Shengen. Et c’est donc sans difficulté que nous prenons début juillet l’avion à Phnom-Penh pour nous rendre à Paris, via Bangkok, pour un séjour de deux semaines au pays du steak tartare, du vin de Bordeaux et des fromages à pâte molle.
Aucune difficulté non plus à l’arrivée à Paris, où les contrôles à l’immigration sont une simple formalité. Je me disais que cela ne pouvait pas durer, et que l’obtention d’un visa pour Léo allait être une autre paire de manches, d’autant plus qu'un contrôle renforcé et des conditions draconiennes semblent depuis peu être imposés aux demandeurs gaullois de visas chinois (voir ici).
Il semblerait en effet, d’après les informations glanées sur le web, confirmées plus tard par un placard apposé sur la devanture du service des visas de la République Populaire de Chine à Paris, qu'il devienne aussi difficile pour un descendant de Napoléon d’obtenir un visa pour le pays de Mao qu’inversement.
C’est donc avec une appréhension certaine que notre petite famille se rend aux Champs Elysées, pour aller déposer, les mains tremblantes, une demande auprès du service des visas de l’ambassade de Chine en France, situé désormais rue de Washington.
J’avais en mon fort intérieur préparé le discours le plus virulent, les arguments les plus idoines, et même, en dernier recours, les insultes chinoises les mieux choisies, pour appuyer la demande de visa de mon rejeton au cas où l’on nous ferait des difficultés.
Après avoir longuement patienté (les demandeurs de visa chinois sont légion et l’attente dans l’antichambre de la salle où sont alignés les guichets délivreurs du sésame est longue), nous voici donc devant la préposée cachée derrière son hygiaphone. Je laisse le soin à Emilie d’exposer la situation de son unique enfant, dans la langue maternelle de la préposée susmentionnée. Nous nous étions munis de tous les documents qui nous jugions utiles, mais n’avions ni billet d’avion aller-retour, ni certificat d’hébergement, ni attestation d’assurance internationale, ni certificat de travail ou attestation de revenus. Bref, aucune des pièces qui, selon les dernières instructions du Ministère chinois des Affaires étrangères, devaient être présentées pour tout Français à l’appui d’une demande de visa pour la Chine.
Autant vous dire que j’étais inquiet, et plutôt sceptique quant au résultat de notre sollicitation.
A ma grande surprise, la préposée semble se contenter du certificat de naissance du garnement et du livret de mariage sur lequel ma belle et douce Emilie et moi-même sommes en photo, en plus des passeports de l’intéressé et de sa génitrice. Prudent, je demande même à la préposée s’il est utile que je lui donne une copie de mon visa de résident (auquel j’ai droit puisque je suis le principal actionnaire et représentant légal d’une société de droit chnois, même si ladite société est minuscule). Pas la peine, me dit-elle.
L’absence de sourire sur son visage et son ton un peu sec me déplaisent, mais finalement, pas plus que le manque de sourire et le ton un peu sec dont me gratifierait n’importe quel agent de l’Etat français. Il me semble pas que ces manifestations doivent être interprétées comme étant des signes de mauvais augure.
Je garde donc pour moi mon discours, mes arguments et mes insultes, en me disant qu’ils pourraient me servir cinq jours plus tard, délai prévu pour l’obtention du visa, pour le cas où nous nous verrions opposer une fin de non recevoir.
C'est donc encore inquiet (un peu moins, cependant, je l’avoue) que je me présente à nouveau, escorté d'Emilie et de Léo, rue de Washington. Mes craintes étaient bien vaines : après paiement (obligatoirement par carte de crédit, qu’on se le dise) des frais du visa, nous voyons avec soulagement sur le passeport presque vierge du garçonnet figure le joli autocollant qui permettra au jeune homme de séjourner dans son pays natal pendant le mois que sa maman prévoit de passer auprès des siens !
C’est donc passé comme une lettre à la poste. Je m’en réjouis, et du coup mon ressentiment auprès des autorités administratives de l’Empire du Milieu s’apaise un peu.
Peut-être sera-t-il ravivé lorsque je voudrai demander pour le dernier de mes héritiers un titre officiel de séjour ? Ce sera certainement le sujet du quatrième volet de la saga...

samedi 12 juin 2010

Le bonheur tient à peu de choses

Lors de mon dernier passage à La Marmite, j’exposai au patron des lieux, avec la plus grande amertume, les difficultés que j’avais à me procurer certains ingrédients indispensables à quelques plats français dont je régale ma douce moitié quand nous nous lassons un peu de la cuisine asiatique. En effet, malgré l’extrême diversité de la gastronomie cambodgienne en matière d’herbes et d’ingrédients divers, le laurier est absent des étals des marchés les mieux fournis, le thym est quant à lui rare, et le vinaigre balsamique fait cruellement défaut. Mes recherches incessantes ne m’avaient pas non plus permis de découvrir le fournisseur salvateur proposant des pignons de pin, indispensables à ma salade aux foies de volaille assaisonnée de ma vinaigrette secrète aux deux moutardes. A mon grand étonnement, il m’avait même été impossible de trouver du curcuma en poudre, entrant dans la composition du riz sauté à la hainanaise et dans celle d’une recette de cuisses de poulet sautées au curcuma proposée dans son blog par un cuisinier cambodgien et qui m’avait mis à la bouche.
Heureusement que l’épaule d’agneau agréablement accompagnée de flageolets était là pour faire passer le vide désagréable qui hante la cavité buccale de tout gourmand quand il lui manque ces petits riens qui transforment le manchon de poulet le plus banal en un souvenir gastronomique impérissable.
« D’où viennent-ils d’ailleurs, ces flageolets, s’il m’est permis de poser la question ? », demandai-je à l’aubergiste, en précisant, à titre de justification : « Les flageolets accompagnent magnifiquement les côtes de porc dans l’échine, salées de préférence avec du fleur de sel de Guérande, que je fais lentement revenir à la poêle dans un peu de matière grasse, les flageolets étant ensuite rapidement mis à chauffer dans la poêle où ont cuit les côtelettes... »
Malgré une hésitation visible, n’ayant pas le coeur à m’asséner un coup de plus, le tenancier lâcha du bout des lèvres le nom de sa source : « Thai Huot !
- Comment ? (son long séjour au Cambodge ne lui a pas encore permis d’atteindre la perfection en matière d’intonations asiatiques)
- Thai ... Huot, répéta-t-il en détachant bien les syllabes et en articulant.
- C’est le supermarché chinois qui se trouve sur le boulevard Monivong, à peu près la hauteur du marché central ?
- Oui, oui, c’est ça ! » s’empressa de préciser son épouse cambodgienne se mêlant opportunément à la conversation
Et dire que je suis passé cent fois devant ce supermarché dont le nom m’évoquait plus un établissement chinois dans lequel je prévoyais vaguement de faire une visite un jour où je serais en manque d’ingrédients pour confectionner tel ou tel plat chinois.
- « D’ailleurs », précisa l’aubergiste, « vous y trouverez aussi du vinaigre balsamique... et peut-être même des pignons de pin ».
Ces informations précieuses ne tombèrent pas dans l’oreille d’un sourd, et, dès le surlendemain, sur le chemin du retour d’une visite administrative à l’ambassade de France à Phnom-Penh, Emilie et moi-même fîmes une halte dans cet établissement.
Vinaigre balsamique, pignons de pin, feuilles de laurier, curcuma en poudre... tout y était, de même que jambon de bayonne, fromages, vins, terrines, pain frais... Le bonheur, en somme !
...
Mon banquier a dû bondir sur sa chaise quand il a vu arriver le relevé de carte de crédit émanant de ce commerce, dont il m’a été confirmé a posteriori qu’il était le lieu d’approvisionnement priviligié des Français gourmands exilés dans la capitale du petit royaume du Cambodge.
Thai Huot : 103-105, bd Monivong (près de la gare) / Tél. 023 724 623 - 023 884 622

mardi 30 mars 2010

Délocalisation

J’ai quitté la Chine le 17 janvier dernier, après dix ans et deux jours passés dans l’Empire du Milieu, à Suzhou, pour me relocaliser un peu plus au Sud, sous des cieux qui me semblent plus cléments, dans le petit royaume du Cambodge, pays de l’amok, du prâhok et des temples-montagnes des anciens rois khmers.
Dix ans de Chine… En y repensant, même si partir est pour moi un vrai bonheur, la Chine m’a tout de même apporté beaucoup, sur des plans divers.
Du point de vue linguistique d’abord : mon niveau de chinois s’est très sensiblement élevé.
Du point de vue gastronomique ensuite : même si la colère que je nourris contre l’industrie chinoise de la restauration ne s’éteint pas, j’ai découvert des saveurs, des préparations, des produits qui sont largement dignes d’intérêt.
Du point de vue personnel enfin : en même temps que mon humble personne, je libère de la coupe des autorités chinoises une épouse et un petit bout de chou qui font mon bonheur.
Des regrets, alors ? Que nenni ! Je suis content de ne plus avoir à m’indigner que de loin de la façon d’agir du Pouêt-Cot-Cot, de ne plus avoir à m’accommoder de l’impolitesse, de l’incivilité, de l’arrogance grandissante de nombreux descendants du dragon, de ne plus avoir à rechercher des solutions plus ou moins efficaces pour accéder à certains sites de la Toile.
Le Cambodge me paraît beau, ses habitants souriants, sa nourriture excellente, sa langue passionnante, son climat à mon goût...
Ne serait-ce pas « tout nouveau tout beau » me demanderez-vous peut-être ? C’est possible. Dans dix ans peut-être, je rédigerai ici un billet pour médire du petit royaume et expliquer pourquoi j’ai décidé de me relocaliser en Thaïlande ou en Papouasie-Nouvelle Guinée.
En attendant, je profite de l’instant présent, et je me dis une nouvelle fois que je n’ai pas encore envie de rentrer, pas tout de suite...

samedi 27 mars 2010

Vingt-six jours, le temps qu’il faut pour faire un père célibataire

Vingt-six jours, c’est le temps pendant lequel j’ai compris la signification exacte du proverbe chinois qui dit que, lorsque l’on trouve le temps long, on passe les journées comme s’il s’agissait d’années (度日如年 dùrì rúnián). En effet, la belle et douce Émilie nous a lâchement abandonnés, junior et moi, pour rentrer en Chine et mettre un peu d’ordre dans nos affaires avant de revenir s’installer définitivement au pays des temples montagnes, du palmier à sucre et de l’amok.
Cette absence contrainte, pour laquelle nous devons remercier la décision des autorités chinoises de ne pas accorder de visa à junior (pour les tenants et aboutissants de cette affaire, voir ici et ici), a fait de moi, à mon corps défendant, un père de famille célibataire, devant jongler entre dossiers de traduction, achats du quotidien, crèche, couches et biberons.
La perspective de passer un peu de temps en tête-à-tête avec le petit garnement plein de vie et de malice qu’est Léo m’avait à vrai dire un peu effrayée. J’avais imaginé le pire : crises de larmes incessantes, hurlements, perte de sommeil, refus de s’alimenter, yeux au bord de la cécité à force de pleurer, fugue… D’autant plus que le stratagème que nous avions imaginé de façon impromptue pour expliquer au petit Léo la raison du départ de sa très chère maman en pleine nuit (pour aller prendre son vol de 23 heures 55 pour Shanghai), était pour le moins fantaisiste : papa, en descendant une valise, avait aperçu sur le bord du fleuve un énorme serpent, que maman avait derechef décidé d’aller chasser, et si elle tardait à rentrer, c’était tout bonnement parce que ledit serpent était incroyablement rusé et déjouait tous les pièges qui lui étaient tendus.
Léo, d’ailleurs, n’a pas manqué de s’enquérir des derniers développements de la chasse au reptile lorsque, quelques jours plus tard, le visage de maman est apparu sur l’écran de l’ordinateur, par le biais du logiciel de messagerie instantanée : « 妈妈,大蛇抓到了吗? » (Maman, tu l’as attrapé le gros serpent ?), avait-il demandé d’un ton irrité. Une autre fois, me voyant peut-être un peu abattu, , il avait voulu me consoler en me rappelant que « 妈妈去抓大蛇了! » (Maman est allée attraper un gros serpent !).
Mais force a été de constater, au bout de trois ou quatre jours, qu’un enfant de cet âge peut s’habituer à tout ! Léo a en effet très vite compris que c’était désormais papa qu’il fallait appeler dans son sommeil pour avoir droit au biberon réparateur, que c’est sur ledit papa qu’il fallait compter pour le changement de couche, la préparation du cartable et le transport scolaire, et n’appelait plus maman que lorsqu’il avait un gros chagrin, essentiellement lorsque l’une de ses bêtises lui valait une claque sur les fesses.
L’absence d’Émilie a été l’occasion pour nous d’augmenter le « temps de travail » du petit : le nombre de demi-journées passées àà la crèche-maternelle française de la rue 21, Tchou-tchou , est passé de six à dix. Le marmot n’a pas bronché, et s’est en plus fait des copains et des copines parmi les enfants de l’association Pour un sourire d’enfant, qui viennent passer trois après-midi par semaine dans cet établissement.
Finies également les crises de larmes lors du lâcher du diablotin dans la cour de l’école le matin : avec un peu de réticence au début, il a finalement accepter de relâcher son étreinte sur la main paternelle, à laquelle il se cramponnait comme s’il s’agissait de la seule bouée de sauvetage disponible au milieu d’une mer déchaînée, pour me lancer un triste « Au revoir papa, à tout à l’heure... », avant de me voir tourner le dos pour enfourcher le tuk-tuk qui nous avait amenés et m’emportait pour la journée vers mes mystérieuses activités d’adulte. Les choses ont tellement bien évolué, que c’est désormais en courant qu’il passe le portail de l’école en criant un retentissant « Bonjour » à l’adresse des personnes se trouvant déjà sur le site, pour se précipiter dans la salle de classe y déposer son cartable, et que ce n’est que grâce à l’aimable insistance de ses jolies maîtresses qu’il daigne se retourner pour me gratifier d’un « au revoir » marmonné à la hâte et d’un petit signe nonchalant de la main. Il arrive même parfois qu’il faille employer la manière forte pour lui faire quitter ses maîtresses et ses copines (il préfère apparemment, et de loin, la compagnie féminine – ne lui en voulez pas, c’est visiblement une maladie héréditaire) et le faire rentrer au domicile familial.
Après moultes essais infructueux, j’ai même réussi à mettre au point la technique de shampooinage parfaite, qui permet de nettoyer sa petite tignasse sans inonder son visage et ses yeux de savon, et de lui faire accepter sans trop de difficultés la douche quotidienne.
J’ai découvert aussi avec lui les longues promenades vespérales, se tenant habituellement après le retour de l’école et la fin des émissions de TiVi 5, et le dîner, promenades à l’occasion desquelles j’exhibe fièrement le dernier avatar de ma progéniture aux yeux ébahis des habitants du quartier de Chroy Changva (ជ្រោយចង្វា), sur la rive orientale du fleuve Tonlé Sap (et non du Mékong, comme je l’ai prétendu par ignorance géographique dans des billets précédents). Cela a été l’occasion pour moi de faire un peu d’exercice physique en même temps que quelques rencontres, et d’essayer d’améliorer mon khmer en bavardant avec la petite jeune fille dans la boutique de laquelle nous nous approvisionnons en eau, en bière (pour moi) et en soda (pour le môme).
Finalement, la maman absente est rentrée au bercail hier soir. Cela a été l’occasion pour moi de réserver à Léo une suprise de taille : j’ai en effet expliqué que nous allions, en pleine nuit, admirer les gros avions à l’aéroport, si bien que le petit s’attendait à beaucoup de choses, mais pas à voir sa maman sortir de l’aéroport. Il en est d’ailleurs resté baba, incapable de gazouiller comme il le fait d’habitude, blotti contre le sein maternel, un sourire béat aux lèvres, pendant toute la durée du trajet du retour à la maison.
Quant au gros serpent, rassurez-vous : maman l’a attrapé, mais plutôt que nous le servir à dîner, elle a décidé de le laisser dans un zoo. Peut-être irons un jour lui faire une petite visite, avons-nous d’ailleurs promis au gamin.

mardi 23 mars 2010

Censure chinoise : Google jette l’éponge

On apprend hier que Google prend la décision de ne plus filtrer son contenu comme l’exigent les autorités et la loi chinoises, et de déménager son serveur de recherche à Hong-Kong…
Cette décision de Google, prématurément annoncée en début d’année, avait fait des ramous et ému nombre de medias occidentaux. Qu’en dire aujourd’hui ?
Il faut tout d’abord savoir qu’en Chine, le premier moteur de recherche Internet n’est pas Google, mais son avatar local, Baidu (www.baidu.com). Le fait que ce site soit à la botte de la propagande du Pouêt-Cot-Cot et les révélations récurrentes sur les pratiques douteuses du moteur de recherche local n’y font rien, les Chinois, par nationalisme peut-être, continuent à préférer Baidu.
Les mauvaises langues diront que Google, dont l’implantation en Chine n’est pas un succès, cherche à sortir du guépier chinois la tête haute, en redorant aussi un peu son blason après les critiques dont il a fait l’objet pour avoir livré aux autorités chinoises, conformément à la loi locale, des informations compromettantes sur des Internautes trop critiques à l’égard du régime.
Mais c’est peut-être aussi une réaction saine à l’environnement chinois qui, malgré les protestations des autorités compétentes, est en train de se détériorer lentement et sûrement. Je veux parler ici de la remise en question de la politique d’ouverture vers l’étranger. Malgré ce qu’en posent les optimistes, il me semble en effet que la Chine est en train de se refermer sur elle-même. Le régime profite du regain de nationalisme de sa population, qui n’est certes pas convaincue par un parti unique qui règne sans partage depuis plus de soixante ans, mais qui veut être fière de son pays, et qui réagit vivement aux critiques, même si elles sont parfois fondées, que l’Occident exprime envers son pays.
Pour ma part, je soutiens cette decision de Google. Il me semblerait judicieux de durcir un peu le ton envers les autorités chinoises, qui ne jouent pas franc jeu. Le fameux slogan « un pays, deux systèmes » (一国两制), qui sert à designer le régime special appliqué à Macao et à Hong-Kong, qui jouissent d’une autonomie et de libertés beaucoup plus grandes que le reste de la Chine, pourrait être facilement détourné pour s’appliquer intra muros, aux entreprises étrangères qui sont en théorie soumises aux mêmes lois que les entreprises locales : la rigueur de la loi s’applique sans fléchir aux sociétés étrangères qui apportent en Chine capitaux et savoir-faire, tandis qu’elle s’applique de façon plus « souple », dirons-nous, aux entreprises locales qui se jouent sans vergogne des dispositions légales sur le travail, entre autres.
Je viens de passer dix ans en Chine, et si j’en retiens quelque chose, c’est que, si l’on veut se faire respecter par ce pays, il faut faire preuve de fermeté. Un proverbe chinois dit que l’on a peur des forts et que l’on abuse des faibles (欺软怕硬 qī ruǎn pà yìng). Cessons donc d’êtres faibles !

vendredi 26 février 2010

Chinoiseries administratives – bis repetita non placent

La suite des aventures de Léo, alias 孟磊...
Émilie, fière maman de Léo et épouse vénérée de mézigues, prévoyait dès le début de rentrer en Chine début mars pour liquider notre patrimoine local avant de s’installer au pays des temples d’Angkor. Nous y sommes.
Chinoise, patriote et détentrice du passeport idoine, pas de souci pour elle pour pénétrer sur le territoire de la très glorieuse République Populaire de Chine. Pour ma part, ma qualité de représentant légal de ma petite agence de traduction me donne droit à un visa de séjour d’un an, donc pas de souci non plus. Reste le petit Léo qui, rappelons-nous en, a quitté la Chine Chinois et pénétré au Cambodge Français.
Armés de son passeport à peine usagé, nous nous présentons au service des visas de l’Ambassade de la République Populaire de Chine au Royaume du Cambodge à Phnom-Penh, pour lui faire établir le visa (visa familial d’un an à entrées multiples pour nous simplifier la vie, prévoyons-nous), pour nous entendre dire : « Ah bon, vous voulez un visa pour votre fils ! Mais dites-moi, où donc est le visa de sortie du jeune homme, puisque ledit jeune homme vient de Chine ! »
« Il n’a pas de visa de sortie sur son passeport français parce qu’il a quitté la Chine avec un laissez-passer que les autorités de votre magnifique pays ont eu l’infinie bonté de lui délivrer ! »
« Ah ! Mais ça change tout ! Vous le considérez peut-être comme Français, mais il est Chinois ! Pour devenir Français à part entière, il faut qu’il se rende à l’ambassade de Chine du pays qui veut bien le prendre sous l’aile de sa nationalité pour déclarer en bonne et due forme qu’il renonce (quelle honte !, soit dit entre nous) à la glorieuse nationalité chinoise, alors seulement il pourra humblement solliciter un visa pour pénétrer sur le sol de la mère-patrie qu’il a osé bafouer, et on verra si on le lui octroie, ce visa ! »
« Bon, ben, », proposons-nous tête basse, « on va rentrer en Chine avec son laissez-passer alors ? »
« Que nenni ! Ledit laissez-passer est à sens et à usage unique ! Il l’autorise à quitter la Chine, mais pas à y rentrer ! »
Résumons : pour les autorités chinoises, Léo est de nationalité chinoise, mais n’a pas le droit de rentrer dans son pays. Logique ! Il est porteur d’un passeport français, il est donc reconnu comme français par le Cambodge, la France, et le reste du monde, mais pas par les autorités chinoises, puisque la Chine ne reconnaît pas la double nationalité et qu’il est chinois ! Logique !
Nous devrons donc, si nous voulons que Léo rentre en Chine voir ses grands-parents maternels ou vivre avec moi qui dois rentrer en Chine pour exploiter la société de droit chinois que j’y ai créée, que nous rentrions en France pour lui faire déclarer qu’il abandonne la nationalité chinoise et solliciter pour lui un passeport.
Je soupçonne que l'ambassade de Chine en France n’acceptera pas que je fasse seul cette déclaration, il faudra donc qu’Émilie (furieuse contre le Pouêt-Cot-Cot en l’occurence) vienne avec moi. Il faudra donc demander pour elle un visa pour la France...
Je vous raconterai la suite de nos aventures sino-administratives lorsqu’elle se dérouleront.
En attendant, mon fils de deux ans et demi et moi-même allons passer quelque temps en tête-à-tête à Phnom Penh, et je retournerai en Chine gérer mon entreprise quand Émilie reviendra au Cambodge, où elle passera à son tour un peu de temps en tête-à-tête avec le garnement....
Léo sur le terre-plein central d'Angkor Vat

lundi 22 février 2010

La femme idéale

J’apprends aujourd’hui que Jin Yong, pour construire le personnage de Xiaolongnü dans son Shendiao Xialü, a eu pour égérie Xia Meng ! Vous imaginez sans peine le choc émotionnel que cela a pu provoquer chez moi !
Enfin, vous n’imaginez peut-être pas, finalement, si vous n’êtes pas comme moi un inconditionnel de Jin Yong. Alors plantons un peu le décor...
Jin Yong (金庸) est LE romancier chinois contemporain le plus lu, le plus connu et le plus incontesté aujourd'hui en Chine, que ce soit en Chine continentale, à Hong-Kong ou à Taiwan.
Si vous avez suivi les cours de littérature chinoise moderne aux Langues’O ou dans quelque autre vénérable institution du genre, vous serez peut-être étonné de cette affirmation péremptoire, car le nom de cet auteur n’aura probablement jamais été mentionné pendant les longues séances pendant lesquelles vous vous serez échiné à comprendre le sens caché de l’oeuvre d’un Lu Xun, d’un Mao Dun, ou d’une Bing Xin. Ou peut-être me demanderez-vous pourquoi calors ’est Gao Xingjian qui s’est vu décerner le Nobel de littérature en 2000, et non Jin Yong ?
Les raisons m’en semblent simplissimes. Tout d’abord, Jin Yong est auteur de romans populaires, et il est bien connu que la littérature populaire, qu’elle soit écrite à Pékin, à Paris, à New-York ou à Londres, est trop populaire, justement, pour être reconnue à la vraie valeur qui est parfois la sienne par les critiques de tout poil. Jin Yong non seulement écrit des romans populaires, mais en plus il s’agit de romans de kungfu (de cape et d’épée à la sauce de soja, si vous préférez), genre des plus douteux, et qui compte effectivement un nombre impressionnant d’opercules dont les pages ne seraient même pas dignes de me dépanner un jour de pénurie de papier hygiénique. De surcroît, Jin Yong est hongkongais, et il est bien connu, n’est-ce pas, que tout ce qui vient de Hong-Kong ne peut être que superficiel et sans véritable valeur. Il n’empêche qu’il ne vient à l’idée de personne de critiquer Jin Yong sur la qualité de sa langue ou sur les qualités littéraires de son oeuvre, et que de nombreux exégètes en herbe usent leurs stylos à commentaire l’oeuvre. D’autant plus que Monsieur Louis Cha (查良镛) (Jin Yong n’est que son nom de plume martiale) est par ailleurs un intellectiuel chinois des plus sérieux. Cependant, si vous en avez l’occasion, faites l’expérience : parlez de Jin Yong à votre prof de littérature chinoise moderne. S’il est français, il y a de fortes chances qu’il vous regarde avec de gros yeux en vous demandant de qui il s’agit. S’il est chinois, il se contentera probablement de vous adresser en guise de réponse une moue de dégoût.
Qu’importe ! Je reste campé sur mes positions, et je soutiens mordicus que Jin Yong est l’un des plus grands écrivains chinois contemporains.
Parmi la petite quinzaine de romans de cape et d’épée de cet auteur, mes préférés sont, dans le désordre : Ludingji (鹿鼎记), Xiaoao jianghu (笑傲江湖), Tianlong babu (天龙八部) et celui qui est le prétexte à ce billet : Shendiao xialü (神雕侠侣).
Je ne vous raconterai rien de l’intrigue, na ! Vous n’avez qu’à apprendre le chinois et à lire le roman dans le texte. En revanche, je vous parlerai de l’héroïne du roman Xiaolongnü 小龙女, littéralement « la petite fille dragon », alias Long guniang 龙姑娘, « Mademoiselle Long » (car Long 龙 est en effet son patronyme).
Quand, dans le roman, on fait sa connaissance alors qu’elle a une quinzaine d’années. Elle recueille presque par hasard et un peu sous la contrainte, Yang Guo 杨过, le personnage principal du roman, qui deviendra son compagnon et qui, eventually dirait-on de l’autre côté de la Manche ou de l’Atlantique, atteindra un niveau de maîtrise des arts de combat dépassant même celui de Guo Jing 郭靖, le personnage principal du Shediao yingxiongzhuan (射雕英雄传), que j’ajoute au passage à la liste de mes romans jiniens préférés. Xiaolongnü est douce, d’une beauté irréelle, toujours vêtue de blanc, experte en arts martiaux, amoureuse fidèle et ingénieuse. Elle soutient son Yang Guo 杨过 dans l’épreuve, l’initie aux techniques martiales les plus obscures. Après une séparation de plus de dix ans, les héros se retrouvent pour ne plus se quitter. On apprend seulement plus tard, au hasard d’une scène du Tianlong babu, qu’ils auront une fille, qui aura hérité du talent de son père et de la beauté de sa mère.
Les inconditionnels du roman, comme moi, vouent un culte irraisonné à cette jeune femme. Quand on me demande qui est mon idéal féminin, c’est sans réfléchir et sans hésiter que je lance le nom de Xiaolongnü. À chaque fois qu’est annoncé le tournage d’une version cinématographique du roman (il y en a déjà eu 14 entre 1960 et 2004, excusez du peu !), tous les fans s’interrogent sur le nom de l’actrice à laquelle le rôle sera confié, et tous les fans sont inconditionnellement déçus, car aucun des avatars n’a jamais été et ne sera jamais à la hauteur de l’image mentale que chacun d’entre nous s’est formée de son héroïne à chaque nouvelle lecture du roman (que je suis en train de lire pour la quatrième fois en ce moment).
Vous comprenez mieux mon émotion, maintenant ?
Mais assez de suspens, voici la photo de Mademoiselle Xia Meng 夏梦, égérie hongkongaise de Jin Yong. Comme il fallait s’y attendre, Mademoiselle Xia fait bien pâle figure par rapport à ma Xiaolongnü rêvée. Mais comme sa famille est originaire de Suzhou, disons que je lui pardonne à demi. (J'ai piqué la photo ici. Vous verrez sur ce lien d'autres photos de l'actrice, dont une en compagnie de Jin Yong.)

samedi 20 février 2010

Mots d’enfants : les papayes et les « mamayes »

En Chine, le petit Léo entend parler chinois toute la journée, et c’est bien sûr dans cette langue qu’il communique avec sa maman et, à mon grand désespoir, avec moi aussi.
Pour le « forcer » un peu à apprendre le français, j’entretiens sur mon ordinateur une collection de photos : animaux divers, voitures, trains, avions, légumes et fruits. Le jeu auquel nous jouons presque tous les jours consiste à retrouver le nom de ce que l’on voit sur la photo.
Quand il y a un couple de chiens, par exemple, il y a bien entendu le papa chien et la maman chien.
C’est probablement la raison pour laquelle le petit monstre, quand il voit, dans la série « fruits », la photo montrant deux papayes, soutient mordicus qu’il s’agit d’une papaye et d’une « mamaye » ! « Mdr », comme dirait Benjamine, la grande soeur.
À vous de juger :

mardi 2 février 2010

On peut être moine et avoir l’esprit joueur...

Les moines sont omniprésents au Cambodge, et vous aurez probablement eu l’occasion de voir de nombreuses photos de moines vêtus d’orange et abrités sous un parasol de la même couleur, marchant à la file indienne en tenant leur bol à aumônes sous leur robe...
Titillé par un « teuk, teuk » incessant à l’extérieur, je jette un coup d’oeil de la fenêtre du premier étage où se trouve notre petit deux pièces, pour découvrir quatre ou cinq jeunes moines de la pagode voisine (Wat Puthi Yaram វត្តពោធិយារាម) jouer à une sorte de jeu de volant dont j’ai oublié le nom (il s’agit de maintenir en l’air un volant en le faisant monter en l’air à coups de pieds).
C’est la couleur des sous-vêtements monastiques qui m’a amusée en premier... assortie à celle des robes et des parasols !
(Bien entendu, loin de moi l’idée de vouloir manquer de respect à ces jeunes moines.)

samedi 30 janvier 2010

Deux semaines à Phnom-Penh

Cela fait donc deux semaines aujourd’hui que notre petite famille est à Phnom-Penh. Deux semaines seulement, mais nous avons déjà pris quelques repères.
Nous avons inscrit Léo à une maternelle française, Tchou-tchou. Il s’agit d’une part qu’il ne soit pas toute la journée dans nos pattes, et d’autre part qu’il sache qu’il existe une vie en-dehors de la maison et qu’il soit avec d’autres enfants. L’avantage aussi est qu’il est obligé de parler français, puisque personne ne parle chinois.
Il a un peu de mal à se faire comprendre de ses maîtresses, mais il a fait des progrès notables en français, et le chinois n’est plus forcément sa langue automatique quand il s’exprime (ce qu’il fait sans discontinuer). Je suis sûr qu’il apprendra le cambodgien, mais pour l’instant, tout ce qu’il sait dire dans cette langue, c’est « âkun » (merci).
Nous avons loué un petit appartement de deux pièces sur la rive est du fleuve. C’est un appart-hôtel, et le loyer (300 dollars par mois) est relativement modéré, mais le choix n’est pas très judicieux : nous sommes un peu loin de tout (il faut prendre un bac pour se rendre en ville, ou faire un large détour par le pont japonais), et l’éloignement par rapport à l’école du petit monstre fait exploser notre budget transports. Nous chercherons probablement un autre nid une fois le contrat de location en cours (deux mois) arrivé à son terme.
Le lieu où nous habitons a cependant l’avantage d’être situé à une dizaine de minutes à pieds de « Kids Cool », petit parc d’attraction pour les enfants à partir de 18 mois, que Léo a adopté dès sa première visite. Immense toboggan qui atterrit dans un petit bassin dont le garnement a fait sa piscine, petit terrain de foot sur gazon synthétique, mur d’escalade, salles de jeux diverses... Il y a une foule d’animatrices et d’animateurs qui s’occupent des enfants et les parents peuvent se relaxer. Il y a même un accès Internet par wifi ! Dix dollars par enfant pour la journée, gratuit pour les parents accompagnants leurs bambins. Dimanche dernier, après cinq heures de jeux divers et variés, Léo ne voulait toujours pas rentrer à la maison. Nous prévoyons de renouveler l’expérience aujourd’hui.
En attendant la suite de nos aventures, voici une petite photo de l’une des toutes premières créations artistiques dudit petit monstre, réalisée sous la direction d’une animatrice de Kids Cool...

mercredi 20 janvier 2010

Chinoiseries administratives

Pascal-en-Asie est remis sur les rails, ce qui signifie donc que j’ai de nouveau accès à Blogger, donc que je suis hors de Chine... et que la censure en Chine n’est pas un vain mot... Passons !

Emilie, Léo et moi sommes en effet arrivés à Phnom-Penh dimanche dernier, 17 janvier 2010. Notre séjour cambodgien devrait se prolonger jusqu’au 10 avril environ, j’aurai donc l’occasion de vous parler amplement du Cambodge.

Mais avant cela, un petit billet sur les « difficultés » que nous avons eues à faire sortir Léo de Chine.

Léo est né de l’union illégitime de mézigues et d'Emilie, alias Qi Hailan, chinoise de souche, brillant par sa beauté, son intelligence... et son mauvais caractère. Je dis illégitime, car à l’époque où Léo est né, nous n’étions pas encore mariés. Cela signifiait que Léo ne pouvait pas être déclaré à l’état-civil chinois. Cela m’importait peu, puisque de toutes façons je voulais lui faire obtenir un passeport français, ce qui fut fait sans problème en déclarant sa naissance au Consulat général de France à Shanghai. (Les adeptes de l’illégimité en matière matrimoniale doivent cependant se préparer, car la déclaration n’est possible que dans les 30 jours suivant la naissance du bambin, et nécessite la production de documents administratifs divers. Allez voir sur le site du Consulat général de France à Shanghai, vous y trouverez les infos idoines.)

Bref, Léo a obtenu rapidement son passeport français, et Emilie et moi avons finalement temps convolé en justes noces...

Léo a passé un peu plus de deux années insouciantes à Suzhou, à grandir, se forger un caractère, faire des caprices et apprendre : 1. à parler chinois avec maman ; 2. à apprendre le français un peu avec papa, et beaucoup avec les DVD de Tro-tro, de Petit Ours Brun et des Télétubbies (muni d’un passeport français et toujours démuni d’état-civil chinois, puisqu’il n'est pas possible de « rattraper le coup » et de faire inscrire l’enfant à l’état-civil une fois la situation maritale des parents régularisée).

Tout aurait continué à se dérouler dans le flou artistique le plus complet en matière d’état-civil pendant de nombreuses années si nous n’avions décidé de nous rendre au Cambodge, en vue d’une installation possible (prochaine, probable).

Il fallait donc faire sortir Léo de Chine ! Il a bien un passeport français, mais pas de visa d’entrée, donc refoulement certain à l’immigration chinoise. J’appelle mon « copain » de bureau en charge des affaires étrangères au sein de la direction de la sécurité publique (on dirait chez nous, le bureau de étrangers de la préfecture de police, ou quelque chose d’approchant), qui, après avoir entendu l’exposé de notre situation m’explique que, nenni, l’enfant étant né en Chine, et de surcroît de mère chinoise, il est considéré par la loi chinoise comme étant de nationalité chinoise, donc r.à.f de son passport français. Dis en termes plus choisi, son passeport français n’a aucune valeur, les autorités chinoises ne veulent d’ailleurs même pas l’entrevoir. Pour sortir de Chine, il faut lui faire établir le laisser-passer qui lui permettra de quitter l'Empire du Milieu.

Munis de la documentations idoine, nous nous présentons devant la guichetière du bureau de la sécurité publique, qui exige de connaître le nom chinois de l’enfant (« Il est chinois, il a donc un nom chinois, normal, non ? »). Léo est donc derechef baptisé Meng Lei 孟磊.

C’est ce nom qui est porté son laissez-passer, et c’est ce nom qui devra donc être utilisé sur son billet d’avion !
Nous prenons donc un billet aller simple Shanghai-Phnom Penh (TRÈS CHER), demandons pour Léo un visa auprès du Consulat du Royaume du Cambodge à Shanghai, et débarquons à Phnom Penh sans encombres... ou presque, puisque la valise d’Émilie est perdue, mais il ne s’agit là que d’un détail...

J'ai l'honneur de vous présenter Léo, alias 孟磊

jeudi 19 novembre 2009

Cambodge Soir Hebdo : peut mieux faire !

Cambodge Soir Hebdo est le journal francophone du Cambodge. A ce titre, le journal est louable.
Mais Cambodge Soir Hebdo m’agace, et cela à plusieurs titres :
Tout d'abord, lorsque je suis en Chine, j'essaie souvent d’accéder à la version en ligne du journal, le plus souvent sans succès. Cela dit, la faute n’en revient peut-être pas au journal, mais plutôt à l’Internet chinois. J’ai donc voulu m’abonner à la version électronique, mais mon mail est resté sans réponse, perdu sans doute parmi les milliers de demandes d’abonnement adressées quotidiennement à la rédaction ?
Le prix relativement exhorbitant (10 000 riels, soit 2,5 USD !) du journal est également agaçant. A titre de comparaison, le Phnom Penh Post, premier quotidien en langue étrangère du Cambodge, se vend à 2500 riels, et le Cambodia Daily à 1200 riels, pour des contenus rédactionnels autrement plus étoffés que le CSH !
M’agace aussi l’impression de « déjà vu ». Si l’on excepte un nombre limité d’articles originaux (par exemple un dossier sur les S’aoch, minorité ethnique du Cambodge, dans le numéro 107 du 12 novembre), et quelques articles que je qualifierais de franco-franchouillards (par exemple, dans le même numéro, l’article « Professionnalisme cathodique » consacré à Seng Vimean Rachna, présentatrice de télévision d’une émission bilingue) et dont je me passerais bien, j’ai l’impression de ne lire que des traductions, parfois de piètre qualité d’ailleurs, d’articles déjà parus dans dans la presse anglophone du Cambodge.
Mais surtout, m’agace le manque de professionnalisme de la rédaction : des textes parfois navrants de niaiserie (dans le sous-titre de l’article consacré à Seng Vimean Rachna, je lis « ...cette jeune femme n’a peut-être pas la peau blanchie et n’est pas aussi séduisante que ses consoeurs, mais ses émissions n’en sont pas moins intéressantes. »), des fautes d’othographe et des coquilles qui émaillent les pages de l’hebdo (dans le même numéro, dans un article consacré au Geres, je lis « les revus (revenus) de ce crédit sont ensuite réinvestient (réinvestis) pour le développement futur... », deux fautes dans la même phrase, bravo !) et une syntaxe pour le moins hésitante (encore dans le numéro 107, dans l’article consacré à une zone économique, je lis « le nom de ces possibles investisseurs potentiels... »)...
La presse francophone au Cambodge mérite mieux que ça, scrogneuneu !

dimanche 15 novembre 2009

Cuisine cambodgienne : Les nems !

(Nota : Je reproduis ici un billet publié sur le site que je consacre à la cuisine asiatique, Sinogastronomie.)
Jusqu’à il y a peu de temps, je croyais que les nem étaient un mets spécifiquement vietnamiens. Lorsqu’on me parlait de nems, je pensais à ces rouleaux de pâte de riz farcis d’un mélange de viande et de différents légumes, frits, servis avec sauce dans la composition de laquelle entrent, entre autres choses, de la sauce de poisson, des carottes râpées, des arachides écrasées.
J’avais eu un doute il y a plusieurs années, quand un ami vietnamien m’expliquait que pour lui, les nems étaient de petites boulettes de viande compactes, enveloppées dans une feuille.
Aussi ma surprise a-t-elle été grande lorsque j’ai lu, dans le Phnom-Penh Post, quotidien cambodgien en langue anglaise, un article consacré à une petite entreprise de la province de Battambang, produisant des nems vendus dans l’ensemble du Cambodge. La prononciation cambodgienne n’est pas « nem », mais plutôt « naèm » (
ណែម). Il s’agit effectivement de boulettes compactes pouvant être fabriquées à partir de diverses chairs (poisson, crevettes, porc, etc.), de forme presque ovoïde, prosaïquement enveloppées dans de petits sachets en plastique fermés à l’aide d’une ligature en fil synthétique.
J'ai eu l’occasion d’acheter des « nems » dans les supermarchés, et dans la rue. L’emballage indique que ces boulettes contiennent : du poisson, du sel, de l’ail, du piment et du galangal. Le piment donne une saveur pimentée prédominante, que l’on adoucit un peu en extrayant le petit morceau de piment généralement placé à la « pointe » de la boulette.
L’article du Phnom Penh Post est disponible ici.
L’article donne à ce « snack » une origine thaïe, à vérifier.
Nems individuels (photo personnelle)

Sachet de nems acheté au Lucky Market, Phnom Penh (photo personnelle)

The Great FireWall, GFW

(Nota : Je reproduis ici un billet publié sur mon site consacré à la langue chinoise, Sinoiseries).
En cherchant sur les réseaux un moyen de contourner la censure du Pouêt-Cot-Cot pour pouvoir lire tranquillement les informations taiwanaises et accéder à mon compte sur Blogger pour mettre à jour mon blog Pascal-en-Asie, je découvre un peu de vocabulaire, qui ne vous servira pas à grand-chose pour ce qui est d’accéder à la liberté électronique, mais qui au moins vous permettra de comprendre un peu mieux à quelle sauce les nternautes chinois, qu’ils soient autochtones ou importés, sont cuisinés...
Un petit mot tout d’abord sur le titre du présent billet. GFW signifie ici, non pas « girl-friend Wendy » (« ma copine Wendy », sigle fantaisiste), ni « Global Fund for Women » (Fonds mondial pour les femmes, vrai sigle), comme pourraient le croire quelques esprits torturés, mais 防火长城 fánghuǒ chángchéng, ou, en anglais dans le texte, « Great FireWall » (d’où le sigle), que l’on pourrait cavalièrement traduire en français « grande muraille pare-feu ». On a là une illustration d’un de ces jeux de mots à la sauce aigre dont raffolent les Chinois. Je m’explique...
En Chine, on traduit le mot « firewall », ou « pare-feu » en français, par le mot trisyllabique 防火墙 fánghuǒqiáng (littéralement : mur 墙 qui protège 防 du feu 火).
Pour ceux dont les notions d’informatique seraient aussi floues que les miennes, j’ai pris de la peine de recopier ici la définition du mot « pare-feu » sur Wikipedia :

Un pare-feu (firewall en anglais), dans le contexte du réseau informatique est une métaphore utilisée pour désigner un logiciel et/ou matériel, qui a pour fonction de faire respecter la politique de sécurité du réseau, celle-ci définissant quels sont les types de communication autorisés ou interdits.

Cette grande-muraille pare-feu est le très officiel organisme chinois, pudiquement appelé « 中国国家网络防火墙 » (zhōngguó guójiā wǎngluò fánghuǒqiáng, littéralement « mur pare-feu pour les réseaux national chinois »), chargé de protéger les pures âmes de la nation chinoise contre les très perfides sites (essentiellement occidentaux, voudraient faire croire les autorités chinoises) qui ont, comme il fallait s’y attendre, ourdi un sombre complot visant à renverser la dictature démocratique du grandiose (伟大 wěidà) et infaillible (正确 zhèngquè, qui signifie plutôt « exact » qu’infaillible) Parti Communiste Chinois (PCC, appelé aussi Pouêt-Cot-Cot par certains impertinents) et à priver la très grande Chine et son très grand peuple de la place de choix qui leur revient dans le monde, aux moyens principalement de la désinformation et de la pornographie. Et ce « mur » est tellement puissant que, par malice, on l’a qualifié non pas de « mur » (« wall » : 墙 qiáng), mais de « grande muraille » (« great wall » disent nos amis anglo-saxons, 长城 chángchéng en chinois). L’image est d’ailleurs assez bien trouvée, puisque la mission première de la Grande Muraille était de protéger l’Empire du Milieu contre les invasions barbares !

À partir de ce néologisme, on a construit des expressions plus ou moins imagées. On dit par exemple, lorsque l’on cherche un moyen de contourner la censure, que l’on veut « faire le mur » (翻墙 fānqiáng) ; certains internautes chinois, qui mériteraient à n’en pas douter l’emprisonnement dans l’une de ces prisons secrètes (dont on a parlé récemment dans ces médias occidentaux qui orchestrent la désinformation systématique contre la Chine) qui d’ailleurs n’existent pas (nous disent les autorités idoines), osent même appeler à « abattre » ou à « renverser » (推倒 tuīdǎo) ce mur.

Mais gageons que le gouvernement chinois, guidé par le grandiose et infaillible Pouêt-Cot-Cot, continuera à oeuvrer pour protéger ses administrés contre les néfastes influences de la civilisation occidentale décadente. Écrions-nous donc ensemble : 中国共产党万岁! (zhōngguó gòngchǎndǎng wànsuì : Vive le Parti Communiste Chinois !, 万岁 wànsuì, littéralement « dix mille ans », étant le voeu d’immortalité que l’on adressait dans le passé à l’Empereur féodal, tout aussi grandiose et infaillible que le Pouêt-Cot-Cot, je vous laisse cogiter sur l'analogie).

27/08/2009 : Shanghai Pudong International Airport : briquets interdits

J’ai pourtant lu très attentivement l’affiche qui explique tout ce qui est interdit ou qui doit être déclaré dans les bagages enregistrés, pour des questions de sécurité, pour les vols internationaux décollant de l’aéroport de Pudong, Shanghai (je suppose que la règle est la même pour les autres aéroports chinois ?) : pièces aéronautiques, pièces automobiles, éléments radioactifs, récipients contenant du gaz sous pression, munitions, explosifs, armes à feu, acides et autres liquides corrosifs, batteries, récipients contenant de l’essence pour briquet, allumettes... et je vous jure que les briquets eux-mêmes ne sont pas mentionnés. Et pourtant !
Il est strictement interdit d’avoir dans ses bagages, qu'il s’agisse des bagages de cabine ou des bagages embarqués, le moindre briquet ou la moindre allumette. Les contrôles sont féroces, et je soupçonne qu’ils sont d’ailleurs probablement automatisés, puisque dès que ma valise passe dans le scanner, une sirène retentit, et l'hôtesse du comptoir d’enregistrement qui s’est occupée de moi et me tend déjà mon boarding pass, rétracte précipitemment le bras au bout duquel se tendait la main tenant ledit boarding pass, et me déclare d’un air tout de même un peu inquiet que l’ouverture de ma valise est nécessaire et doit se faire dans le petit local situé au bout de l’allée, local hébergeant, dans le cadre de ses fonctions, le préposé à la sécurité.
Là, ledit préposé somnolant jette vaguement un coup d'oeil à son écran sur lequel l’emplacement du suspecté briquet était encadré, et m’annonce d’un air blasé :
- Il faut sortir le briquet...
- Mais la Chine est le seul pays qui fait ça, qui interdit de mettre un briquet dans sa valise enregistrée. Dans le bagage de cabine, à la rigueur, je veux bien, mais dans la valise, il n’y a pas de risque, rétorqué-je sans beaucoup de conviction. A chaque fois, à l’arrivée, il faut quémander du feu...
- Je sais, on est les seuls au monde à faire ça, admet le préposé à la sécurité, d’un air tout autant blasé.
Bref, résigné, je sors le briquet (pour être honnête, j’avais prévu le coup, je l’avais mis dans une pochette accessible sans avoir à ouvrir la valise entière).
Je retourne au comptoir et récupère ma fiche d’embarquement.
Encore une (des très, très nombreuses) petites contrariétés qui agacent et qui finissent par gâcher la vie des étrangers vivant en Chine (apparemment, les Chinois sont habitués, donc il en faut bien plus que cela pour les agacer).
Bon, je pars pour Bangkok aujourd’hui, pas besoin de mettre de mauvaise humeure pour si peu.
D’autant plus que cette fois, je pars en repérage en vue de notre probable et toute prochaine installation dans la Cité des Anges...